mardi 11 octobre 2011

Après injustices et attentats, les coptes peuvent-ils espérer leur Printemps ?

« Dans l'œil du copte, il y a quatorze siècles d'incertitude et d'anxiété. » J.-P. Péroncel-Hugoz

Que va faire le nouveau pouvoir égyptien à l'égard des femmes et des coptes, deux populations jusqu'ici discriminées dans les faits et dans la législation? Les coptes en tout cas ont de quoi s'inquiéter. Depuis 30 ans, l'avancée des Frères musulmans va de pair avec une augmentation du harcèlement et des attentats. Une église égyptienne a été incendiée la semaine dernière. Et samedi, lors d'une manifestation de protestation contre cette attaque, 25 personnes, toutes coptes semble-t-il, ont été tuées par la police. Notons que c'est grâce à une contre-manifestation de musulmans que les violences ont cessé.

Depuis le début de l'année, c'est le troisième incident meurtrier visant les chrétiens. Le 7 mai dernier, 15 personnes ont été tuées et 200 blessées lors de l'attaque de deux églises par des fanatiques musulmans. Et le jour du nouvel an, un attentat contre une église d'Alexandrie avait fait 21 morts et 79 blessés.

Aujourd'hui, les fondamentalistes soufflent sur les braises d'une l'intolérance religieuse qui se déploie dans un terreau fertile, forgé depuis 14 siècles, soit depuis la conquête de l'Egypte chrétienne. Les interdits traditionnels (épouser un chrétien pour une musulmane, se convertir au christianisme, faire du prosélytisme non-islamique, etc.) sont scrupuleusement respectés.

Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, qui fut  journaliste au Monde, apporte un remarquable éclairage sur l'histoire des coptes dans «Le radeau de Mahomet» (1983). C'est de lui que les citations qui suivent sont tirées.

L'auteur remarque que Mahomet, qui reçut en cadeau une concubine copte, a selon les hadiths défendu ce peuple. Les coptes ont été malgré tout traités par la majorité musulmane comme les autres religions, en "dhimmi".

Durant plus 14 siècles de soumission et d'humiliation, les coptes ont vécu dans une insécurité permanente. Leur traitement a constamment dépendu de l'humeur du maître du moment. Un exemple: «Un calife fatimide, Aziz (976-996), le plus bénéfique sans doute de cette dynastie, voulut même réaliser l'égalité entre chrétiens et musulmans dans son empire. Il fit personnellement construire des églises (...) Mieux encore, le calife refusa de punir les musulmans de naissance ou de choix passant ou repassant au christianisme. Les coptes respirèrent. Ils crurent les épreuves terminées. Aziz mourut. Lui succéda son fils, Hakem, âgé de onze ans. (...) il inaugura sa majorité, nous rapporte le mémorialiste Ibn Qalamisi, en confirmant dans leurs postes les fonctionnaires dhimmis (...) Le jeune calife s'attacha comme secrétaire un copte. Puis un beau matin, il le fit assassiner. La roue avait tourné. La suite est une horreur.»

Les discriminations vont de l'impossibilité à occuper des postes administratifs aux obstacles souvent insurmontables  en matière de rénovation ou de construction d'églises. La mention de la confession sur les papiers d'identité facilite les mauvais traitements. Le moindre différend dans des quartiers ou immeubles mixtes peut dégénérer et la justice étant exclusivement entre les mains des musulmans, il n'est pas rare que les victimes soient déclarées coupables.

Je me souviens des récits que racontait à la radio un professeur copte de Paris il y a quelques années, notamment le meurtre d'une copte par des musulmans parfaitement connus et qui s'est conclut par la condamnation de coptes de la famille. Au milieu de l'interview, ce professeur s'était mis à pleurer.

Les coptes ont tenté deux fois, en 1911 et 1978, de demander l'abolition des discriminations qui les frappent. Sans résultat. Depuis 1972, sous l'influence des Frères musulmans et des salafistes, les attentats ont repris: églises brûlées, vols, insultes, assassinats. Les coptes ont accusé Sadate, qui donnait des gages aux islamistes, de ne rien faire pour les protéger. L'Occident si prompt à prendre la défense des peuples persécutés et des génocides culturesl, a toujours montré la plus grande indifférence face à cette population.

En juin 1981, un incident déclenche une bataille, puis un carnage atroce commis par des musulmans contre des coptes durant plusieurs jours, sous les yeux de forces de l'ordre impassibles. Ce fut une « Saint-Barthélemy de l'Orient », affirme le journaliste. Le 6 octobre suivant, Sadate est assassiné. Moubarak ne fera rien pour effacer les discriminations.

Pour l'heure, le Printemps égyptien, qui a permis la sortie de prison de tant de Frères musulmans (certains il est vrai victimes de procès sommaires), n'a pas annoncé d'avenir plus souriant pour les coptes.

Pourtant, après cette dernière manifestation meurtrière, de multiples réactions de l'intérieur ont appelé à la pacification.

Peut-on aller jusqu'à espérer que les paroles se traduisent en actes et qu'un Printemps des coptes éclose, soit l'égalité des droits entre religions?

Bivouac + Vidéo

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